Prendre Jésus dans sa barque: en nous montrant le port, il sauve notre désir.

8 Mai 2011 , Rédigé par csvp Publié dans #Spiritualité

C'était après la multiplication des pains.
Le soir venu, les disciples de Jésus descendirent au bord du lac.
Ils s'embarquèrent pour gagner Capharnaüm, sur l'autre rive. Déjà il faisait nuit, et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
Un grand vent se mit à souffler, et le lac devint houleux.
Les disciples avaient ramé pendant cinq mille mètres environ, lorsqu'ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de crainte. Mais il leur dit : « C'est moi. Soyez sans crainte. » Les disciples voulaient le prendre dans la barque, mais aussitôt, la barque atteignit le rivage à l'endroit où ils se rendaient.

Jn 6,16-21

 

"C'est moi, soyez sans crainte !"

 

La foule, impressionnée par le miracle des pains, a voulu acclamer Jésus comme le Prophète attendu et comme un Messie national, mais ces deux titres disent trop peu : ils alignent encore Jésus sur des personnages de dimension purement humaine ; or Jésus est l'égal de Dieu son Père.
À l'attente trop matérielle de ses contemporains, Jésus répond de deux manières. D'une part, comme nous le lisons juste auparavant dans l'Évangile, il refuse qu'on le fasse roi et se retire tout seul dans la montagne; d'autre part - et c'est le présent récit - il vient vers ses disciples en marchant sur la mer.
Cette nuit-là, Jésus accomplit deux actions que les Psaumes attribuaient à Dieu lui-même. Dans le Psaume 77, en effet, le Psalmiste rend grâces à Dieu pour le passage de la Mer Rouge et s'écrie : "Sur la mer fut ton chemin, ton sentier sur les eaux innombrables, et tes traces, nul ne les connut" (v.20). Par ailleurs, dès que les disciples veulent prendre Jésus dans la barque, celle-ci atteint le rivage à l'endroit où ils se rendaient. C'est l'accomplissement d'un autre psaume, qui chante la victoire de Dieu : "Il ramena au calme la tempête, et les vagues de la mer se turent. Les hommes se réjouirent de ce qu'elle s'apaisait, et il les mena au port de leur désir" (Ps 107,30).

Ainsi ce début du chapitre 6 de saint Jean fait écho doublement à la geste de l'Exode : de même que Dieu a donné à son peuple de traverser la mer avant de le nourrir de la manne au désert, de même Jésus, son Envoyé, après avoir nourri la foule au désert, apaise la tempête et ouvre dans la mer une route pour ses disciples.
Double miracle, double symbolisme qui illumine notre vie quotidienne. En effet, le même Christ ressuscité qui nous donne chaque jour le pain de Dieu, la manne nouvelle, sa propre chair livrée pour la vie des hommes, est celui qui nous fait traverser ensemble la mer agitée de ce monde et nous mène ainsi, par amour, "au port de notre désir". Aujourd'hui encore le vent de tempête se lève dans le monde, et des vagues menaçantes viennent déstabiliser les nations, les communautés, les familles, et nous-mêmes dans notre espérance.
Aujourd'hui encore nous ramons à contre-courant, et nous avons peine à reconnaître la présence de Jésus, même quand il se fait tout proche.
Puisons, dans le pain que nous allons recevoir, la force de dépasser toute crainte. Même si notre foi demeure chancelante, prenons résolument le Sauveur dans notre barque, ouvrons largement notre cœur à l'avenir qu'il construit avec nous, car c'est lui qui veut nous mener au port de notre désir.
Notre désir ? À quoi s'attache-t-il ?
À certaines heures il semble flotter en nous et ne mener nulle part. Nos épreuves et nos limites nous montrent vite que nous ne maîtrisons pas à volonté notre destin ; et lorsque nous nous sentons arrêtés dans nos ambitions ou déçus dans nos rêves, la tentation peut se glisser en nous de ne plus espérer pour nous-mêmes et de ne plus rien désirer pour les autres. La barque est bien là, où nous gérons le quotidien ; mais il n'y a plus ni vent, ni rame, ni traversée, plus même de port dans notre souvenir.
C'est alors que Jésus nous rejoint par le chemin qu'il est seul à fouler; c'est alors que l'Esprit Saint en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes fils et filles de Dieu, héritiers de Dieu avec le Christ (Rm 8,16), des fils et des filles aimés, appelés, attendus. L'Esprit redonne un sens à nos efforts et du prix au temps qui passe. En nous montrant le port, il sauve notre désir.

 

Père Jean

 

Et pour ceux qui veulent aller plus loin avec Jean Paul II dans Laborem exercens

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